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Retour sur « Elan vers 2030 : quels futurs pour le travail ? »
Organisé par l’Apec le 7 octobre, cet événement de restitution et de partage sur les futurs du travail a rassemblé expert.es ainsi que représentant.es des organisations syndicales et patronales, autour des grandes mutations de l’emploi et du travail et des leviers d’action à mettre en place.
Quel monde du travail à l’horizon 2030 ? C’est sur cette question prégnante que l’Apec propose, sous l’initiative de son conseil d’administration depuis plusieurs années, des pistes de réflexion, avec l’organisation d’une exposition immersive itinérantes et la parution d’un livre « 2030… le travail a changé », réalisé sous la direction de Gilles Gateau, directeur général de l’Apec, avec l’apport de plusieurs expert.es.
Pour prolonger le débat et donner la parole aux cadres, aux entreprises et aux acteurs de l’écosystème emploi-formation, l’Apec a lancé un cycle d’événements en juin 2025 avec quatre temps forts pour aborder quatre transformations majeures :
- le « choc numérique », à Nantes, le 3 juin,
- le « choc démographique », à Bordeaux, le 20 juin,
- le « choc écologique » à Lille, le 24 juin,
- le travail transformé à Toulouse, le 2 juillet.
Le dialogue pour mieux imaginer ensemble l’emploi et le travail de demain
La matinée du 7 octobre, organisée à Paris, a restitué le fruit de ces échanges en prolongeant la discussion avec expert.es et représentant.es des organisations syndicales et patronales.
L’originalité de notre démarche, c’est d’essayer d’aborder ces grands défis tous ensemble et non séparément. La particularité du moment que l’on vit, réside dans le fait qu’aucun de ces défis ne peut être mis en pause. (…) Notre conviction, c’est que personne n’a les solutions toutes faites (…) : le dialogue social, le dialogue professionnel constituent la meilleure façon d’aborder ces sujets. On a besoin de l’éclairage des experts et de l’engagement des acteurs;Gilles Gateau, directeur général de l'Apec
Imaginer vers où on veut aller, cela nous permet de construire le chemin pour y parvenir (…). Notre démarche est fondée sur le dialogue et le dialogue social (…). Et on a aujourd’hui les organisations syndicales et patronales qui vont être autour de la table à discuter sereinement de ces futurs et à imaginer ensemble ce que sera l’avenir et l’emploi de demain pour les cadres;Pierre Damiani, président du conseil d'administration
Pierre Damiani, à gauche et Gilles Gateau
Un chantier immense et des pistes d’accompagnement des transformations
L’événement s’est ouvert avec les prises de parole de deux experts.
Dominique Méda, haut-fonctionnaire, philosophe et sociologue, présidente de l’Institut Veblen, est revenue sur chacune de ces transformations, en débusquant certaines idées reçues et soulignant plus fortement trois enjeux. Tout d’abord, la transformation du rapport au travail, avec des attentes fortes notamment de la part des jeunes ; attentes qui constituent un véritable « carburant » pour penser les années futures. Dominique Méda a ensuite partagé sa vision de l’impact de l’IA sur l’emploi, les conditions de travail et l’environnement et sur la nécessité d’encadrer collectivement certains usages. La philosophe et sociologue a également abordé le scénario de la reconversion écologique, concept développé dans son ouvrage « Une société désirable ». Un immense défi à engager mais une opportunité qui permettrait de créer de l’emploi et de changer le travail.
Deuxième expert à intervenir : Antoine Foucher, ancien directeur du cabinet de l’ancienne ministre du travail Muriel Pénicaud, ancien directeur général adjoint du Medef et actuel président du cabinet Quintet. Antoine Foucher a souligné l’ampleur des changements entre le travail d’il y a 10 ans et le travail à l’horizon 2035. Il a mis en exergue l’importance de la transformation à venir, avec la nécessaire prise en compte de l’ensemble des « chocs », soit un effort d’une ampleur sans doute inédite depuis 1945.
Antoine Foucher est également revenu sur les deux éléments constitutifs d’un idéal collectif du travail, soit un travail qui permette d’améliorer sa vie, « un travail qui paie » et un travail qui épanouisse et suscite de la fierté. Pour y parvenir, il a évoqué plusieurs leviers d’action, parmi lesquels l’investissement dans l’éducation, la réindustrialisation ou bien encore l’accès facilité à des dispositifs de reconversion.
De gauche à droite : Dominique Méda, Ingrid Labuzan journaliste et Antoine Foucher
Cadres, entreprises, acteurs de l’écosytème : quelle vision de l’horizon 2030 ?
Cette matinée du 7 octobre a également été l’occasion de rendre compte des constats issus des débats régionaux qui ont rassemblé 250 participants et participantes ainsi que des travaux de l’Apec sur les futurs du travail. Laetitia Niaudeau, directrice générale adjointe de l’Apec, a présenté ce travail de synthèse, qui fait émerger trois grands constats :
Des transformations importantes en cours dont les cadres et les entreprises sont tout à fait conscients
84 % des cadres considèrent que le travail a connu des transformations importantes ces dix dernières années, et 77 % anticipent qu’il en sera de même dans les dix prochaines. Une perspective partagée par deux tiers des entreprises (66 %).
Les perceptions ne sont toutefois pas homogènes. Côté cadres, la transformation numérique arrive en tête des facteurs de changement (90%), suivie par l’évolution du rapport au travail (83 %) et le vieillissement de la population (81 %). La transition écologique, bien que jugée importante, arrive en queue de peloton (72 %). Pour les entreprises, les trois facteurs pressentis pour avoir le plus d’impact sur le monde du travail sont le rapport au travail, la transition numérique et la transition écologique. Le vieillissement de la population est moins souvent cité par les entreprises. C’est le ressenti également dans les débats organisés en régions où les discussions sur ce sujet ont été, pour certains, une prise de conscience.
Les cadres veulent se saisir de ces transformations pour en faire des opportunités et s’y préparer
Si des inquiétudes ont émergé lors des débats en région sur le management algorithmique, le risque de disparition de certains métiers ou encore la déshumanisation de certains liens au travail, les différentes prises de parole ont montré une réelle volonté d’agir et de construire ensemble des futurs du travail plus désirables. Pour exemple, 37 % des cadres considèrent les outils d’intelligence artificielle générative comme une opportunité, soit une augmentation de 15 points en 2 ans. Le levier de la formation a également été abordé à de nombreuses reprises, comme moyen pour les cadres d’être pleinement acteurs de ces transformations : deux tiers des cadres aimeraient ainsi être formés sur le sujet de la transition écologique et 80 % sur l’IA.
Un engagement de l’ensemble des parties prenantes attendu
Plus de 9 cadres sur 10 estiment que les transformations à venir doivent s’anticiper collectivement et plus des deux tiers pensent que les syndicats ont un rôle à jouer pour anticiper le futur du travail et ses impacts sur les salarié.es.
Laetitia Niaudeau
Le paritarisme en action pour répondre aux enjeux à venir
Les 4 grands chocs ont ensuite été discutés avec les représentant.es des organisations syndicales et patronales présents : Laurent Boulangeat, membre du conseil national de l’U2P et président de la Commission des affaires sociales, des relations du travail et de la parité ; Sylvie Durand, membre du conseil d’administration de l’Apec et secrétaire nationale de l'Ugict-CGT ; Yahya Fallah, membre du Comex en charge de l’intelligence artificielle (CPME) ; François Hommeril, président confédéral (CFE-CGC) ; Isabelle Mercier, secrétaire nationale en charge des questions liées au travail (CFDT) ; Frédéric Souillot, secrétaire général (FO), et Samuel Tual, vice-président et trésorier du Medef.
Il est apparu que la question des futurs du travail est interdépendante des grands enjeux sociétaux et économiques, tels que le vieillissement de la population et la dénatalité, le système de solidarité nationale ou bien encore l’enjeu de la souveraineté numérique. Les différents représentants se sont accordés sur l’ampleur des mutations du travail et de l’emploi et sur la nécessité d’avoir une vision globale de l’évolution de l’emploi salarié en lien avec les enjeux sociétaux, territoriaux, démographiques et écologiques. Enfin, devant la difficulté d’appréhender l’emploi de demain, l’accès à la formation continue tout au long de la vie a été mis en avant, à plusieurs reprises.
De gauche à droite : Ingrid Labuzan, Laurent Boulangeat, Yahya Fallah, Samuel Tual, François Hommeril, Isabelle Mercier, Frédéric Souillot et Sylvie Durand.