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Elan pour l’égalité professionnelle : retour sur l’événement national
Pourquoi, chez les cadres, les inégalités envers les femmes ne régressent-t-elles plus ? C’est autour de cette question essentielle que l’Apec a souhaité rassembler des cadres, des entreprises et des acteurs du monde du travail autour d’un cycle d’échanges, qui s’est conclu le 8 octobre, par un débat entre les partenaires sociaux et la mise en exergue de pistes d’action.
Depuis mars 2024 et une première table-ronde sur le thème "argent, carrière, sexisme", l’Apec a souhaité mettre en débat idées et réflexions sur la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes cadres au travail. Elle a ainsi mobilisé plus de 200 participants et participantes : entreprises, cadres, acteurs de l’emploi à Strasbourg, Rennes et Lyon pendant l’été pour réfléchir collectivement aux leviers d’action permettant de favoriser l’accès des femmes aux postes à responsabilité, de résorber les écarts de rémunération ou encore de lutter contre le sexisme dans le milieu professionnel.
Les chiffres clés
Rappelons qu’à profil identique., les hommes cadres gagnent 7 % de plus que les femmes cadres. Concernant la progression de carrière, seules 33 % des femmes sont managers contre 46 % des hommes ; 45 % des femmes cadres déclarent rencontrer des difficultés de conciliation vie pro / vie perso, vs 40 % des hommes (et 59 % des femmes ayant des enfants de moins de 5 ans vs 49 % des hommes).
Enfin, malgré les nombreuses actions de sensibilisation engagées, 4 cadres sur 10 (hommes et femmes) déclarent avoir été témoins de comportements ou de propos sexistes dans leur entreprise.
Consulter l’étude « Argent, carrière, sexisme »
Face à ces constats, l’événement national du 8 octobre, a permis de revenir sur les idées ayant émergé pendant ces réunions, de les discuter et de les prioriser, avec les représentants et représentantes des organisations syndicales et patronales.
En amont de ces échanges, Pierre Damiani, président du conseil d’administration de l’Apec et Gilles Gateau, directeur général ont rappelé l’importance de poursuivre la mobilisation autour de ces inégalités professionnelles « qui persistent et qui sont encore vivaces malgré les avancées réalisées » et de porter cette question dans le débat public : « On ne prétend pas avoir des solutions mais on parie sur l’intelligence collective pour les produire et sur la mobilisation de l’ensemble des acteurs pour y parvenir ».
Gilles Gateau et Pierre Damiani
Haude Rivoal, sociologue associée au Cnap-Ceet (Centre d'Études sur l'Emploi et le Travail) et au Cresppa (Centre de Recherches sociologiques et politiques de Paris) a ensuite apporté son éclairage sur la féminisation du travail qui ne cache pas la décroissance progressive des effectifs féminins dans certains secteurs comme celui de l’informatique ou la présence d’inégalités moins visibles dans les instances dirigeantes, par exemple, avec des postes certes occupés par les femmes, mais sur des missions moins stratégiques – et moins bien rémunérées - que celles de leurs homologues masculins. Par ailleurs, la question du sexisme, loin d’être l’apanage d’une génération plus expérimentée, reste toujours d’actualité dans les jeunes générations.
Titiou Lecoq, journaliste, blogueuse, essayiste et romancière, est pour sa part revenue sur les inégalités économiques femmes/hommes qui, au-delà des inégalités de rémunération, portent aussi sur les écarts de patrimoine, qui ont presque doublé en 20 ans. La journaliste a exploré les différents mécanismes de construction de ces écarts de patrimoine, qui s’élaborent dès l’enfance.
Une centaine de pistes d’actions
Après cette mise en contexte, Laetitia Niaudeau, directrice générale adjointe de l’Apec est revenue sur les trois réunions régionales organisées par l’Apec à Rennes, Strasbourg et Lyon. Une centaine de pistes d’action ont émergé. Elles font apparaître la nécessité de mettre en place des solutions variées, adaptables et évolutives. Plusieurs constats se sont fait jour, parmi lesquels : la nécessité de sensibilisation et de formation à l’égalité homme-femme, dès le plus jeune âge ; l’importance de la transparence des salaires, mise en exergue par la directive du 10 mai 2023 « visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes », qui doit être transposée dans le droit français en 2026 ainsi que la question du retour de congé maternité, avec les impératifs de conciliation de vie professionnelle et vie personnelle.
Une table ronde réunissant les organisations syndicales et patronales
Sur chaque thème : argent, carrière, sexisme, plusieurs pistes d’action ont été proposées lors des réunions régionales. C’est autour d'une sélection de propositions qu’ont longuement échangé les représentants des organisations syndicales et patronales : Pierre Burban, secrétaire général de l’U2P ; Gabrielle Godon, membre du comité exécutif de la CPME ; France Henry-Labordère, directrice générale adjointe du Medef, responsable du pôle social ; Emmanuelle Lavignac, secrétaire nationale de l'Ugict-CGT ; Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT ; Marielle Mangeon, déléguée nationale à la transition économique à la CFE-CGC et Frédéric Souillot, secrétaire général de FO.
Sur la thématique « carrière », les participants et participantes ont relevé, à l’unanimité, le problème des modes de garde pour les jeunes enfants. Si la question de l’allongement du congé paternité a suscité quelques débats, la révision du congé parental pour une meilleure répartition entre les pères et les mères a fait, elle, consensus, afin de contribuer efficacement à la lutte contre les inégalités de progression de carrière.
Sur la question de l’argent, 2e mot-clé de cette table ronde, la révision de l’index de l’égalité professionnelle, dont plusieurs représentants espèrent pouvoir discuter au niveau des branches professionnelles ainsi que la future transposition de la directive européenne sur la transparence des salaires ont été au cœur des discussions. La mixité des métiers, avec comme corollaire la question de l’orientation scolaire, a été considérée comme un levier essentiel par les représentants des organisations syndicales et patronales pour espérer résoudre la problématique de l’égalité salariale mais également celle des comportements sexistes.
Le sexisme, justement, qui faisait l’objet de la troisième thématique abordée, avec les questions de la sensibilisation et de l’éducation dès l’enfance, qui ont été mentionnées à plusieurs reprises. Toutefois, plusieurs représentants ont rappelé l’importance de continuer à combattre les stéréotypes dans le monde du travail et de sanctionner les comportements répréhensibles, comme la loi le prévoit.
« Se priver du talent des femmes et exclure tout une partie de la population de certains métiers de manière volontaire ou par autocensure des femmes elles-mêmes est dangereux » a souligné Salima Saa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, en conclusion de cet événement. Evoquant les chantiers à venir, notamment le travail sur une nouvelle version de l’index de l’égalité professionnelle et revenant sur les trois thèmes de la matinée, la secrétaire d’Etat a montré l’étendue du chemin encore à parcourir, appelant les entreprises et les acteurs du monde du travail à bouger ensemble les lignes : « Je veux que demain, plus une jeune fille ne se sente illégitime à occuper l’espace, à occuper des postes à responsabilité, à réclamer un salaire à la hauteur de ses compétences ».